«Je compte tout le temps. J’aime les livres qui ont beaucoup de chapitres, je compte le nombre de pages par chapitre. Je vais à une adresse xxxxx, je soustrais cette adresse de celles que je vois en marchant, pour savoir numériquement à quel point je me rapproche de ma destination. Je
compte les livres que je lis, les films que je vois. Je compte les heures avant la fin d’une journée difficile. Quand j’approche de la fin de la journée, je compte en minutes. Je quadrille mon univers
avec des chiffres, gardant en tête la formule de Galilée selon laquelle l’univers est écrit dans un langage mathématique. C’est ma manière de baliser ma vie et de calmer mes angoisses. Ou, du
moins, de me donner l’illusion que je les calme, car ça ne fonctionne pas vraiment. Un jour, dans
pas si longtemps, je compterai les heures avant ma retraite. Je ne sais pas quand je vais mourir. Si
je le savais, c’est avec un plaisir gourmand que je compterais les heures avant ma mort. »