On me place là, face à une table. Fixe, la patte qui colle au sol, puis l’autre, et l’autre, et l’autre. Fork and knife, mange me dit-on. Me crie (pas fort), me jase. Mais je suis petit, frêle, fluet et las, oh si las. J’ouvre grand (une lèvre et l’autre, l’œil et l’autre, l’anse de l’ouïe, par deux fois), mais des fois je ne sais ce qu’il (il : « lui », des fois « eux ») exige de moi. Mon moi ? hou ! t’es là ?
Je suis, car je vois. Je suis, parce que j’ai des mots. Je suis, grâce à mon corps. Je suis, de loin en loin, de loi en loi, par la pensée. Ça pète dans ma tête les dates, les faits, les fêtes, une crise ou l’autre, mais pas de fin, pas d’issue. Goût âcre de la perte. Tout se perd, rien ne se crée, ça vire, ça volte, ça tombe.
Je suis, mais plus moi, plus tout à fait moi, juste un peu moi, kek part, au fond, au creux. Il sait ; sait-il ? Quand son œil s’ouvre sur moi que je suis là, un peu, au moins un peu ?
Plus d’actes pour moi, rien qui bouge. Juste un abri ici, le corps en émoi, une larme, un cri des fois. Je suis, car un mur en moi, là et là et là. Juste un mur avec yeux, mots, corps, une pensée de-ci de-là.
Est-ce que je suis là ? Est-ce que je me mens maman ? Trop vieux pour m’man. Maman plus là, papa plus là. Fils, fille ? Oui, je jauge, oui je crois. Et elle ? Oui, elle. Où est-elle ? Ici, avec moi ? Pas juste dans tête ?