mercredi 1 février 2017

Ombre

Ombre. Le chemin de la vie va d’est en ouest. L’enfant marche le dos au soleil levant. Malgré sa petite taille, une ombre immense le précède. C’est son avenir, caverne à la fois béante et écrasée, pleine de promesses et de menaces, vers laquelle il se dirige, obéissant à ce qu’on appelle justement ses « aspirations ».

   À midi, le soleil se trouvant au zénith, l’ombre s’est entièrement résorbée sous les pieds de l’adulte. L’homme accompli s’absorbe dans les urgences du moment. Son avenir ne l’attire ni ne l’inquiète. Son passé n’alourdit pas encore sa marche. Il ignore la nostalgie des années défuntes, comme l’appréhension du lendemain. Il fait confiance au présent, son contemporain, son ami, son frère.

   Mais le soleil basculant vers l’occident, l’ombre de l’homme mûr naît et croît derrière lui. Il traîne désormais à ses pieds un poids de souvenirs de plus en plus lourd, l’ombre de tous ceux qu’il a aimés et perdus s’ajoutant à la sienne. D’ailleurs, il avance de plus en plus lentement, et s’amenuise à mesure que grandit son passé. Un jour vient où l’ombre pèse au point que l’homme doit s’arrêter. Alors il disparaît. Il devient tout entier une ombre, livrée sans merci aux vivants.