vendredi 21 août 2015

La femme à venir

J’aime cette force du trait, cet éblouissement du noir, il y a quelque chose de pourpre dans vos
noirs, comme une colère, enfin vous voilà de retour parmi nous, c’est le malheur qui fait les
vrais peintres, la joie donne des couleurs bien trop pâles, à la rigueur des aquarelles, des papiers peints, mais certes pas de grandes œuvres, n’est-ce pas, maître ? Et le maître sourit, acquiesce d’un sourire à l’architecte qui lui parle avec chaleur, une coupe de champagne rose à la
main. Cause toujours. Pour l’heure je m’efforce de peindre encore. Rien de plus que ça : encore.

  Dans les expositions, il y a des jeunes femmes minces, l’aventure flotte autour de leurs épaules
nues. Ce genre de femmes qui aiment les artistes comme on aime celui qui vous promet l’infini
pour vous seule, pour vos beaux yeux, pour votre corps adoré et votre âme sans pareille. Ce genre
de femmes qui séduisent leur séducteur. Elles traînent autour des galeries. Elles amènent l’argent et l’intelligence autour de leurs bras frais. Elles tournent autour du père qui les maintient à distance, avec un sourire. La mère les regarde, n’en pense rien. Ce n’est pas son affaire. Elle regarde les peintures. On dirait les symptômes d’une maladie indéchiffrée. Chaque tableau mesure un éloignement, une ombre agrandie par le soleil couchant.