lundi 10 août 2015

L'irréparable



Pouvons-nous étouffer le vieux, le long Remords, 
Qui vit, s'agite et se tortille, 
Et se nourrit de nous comme le ver des morts,
Comme du chêne la chenille ? 
Pouvons-nous étouffer l'implacable Remords ?

Dans quel philtre, dans quel vin, dans quelle tisane, 
Noierons-nous ce vieil ennemi,
Destructeur et gourmand comme la courtisane,
Patient comme la fourmi ?
Dans quel philtre ? - dans quel vin ? - dans quelle tisane ?

Dis-le, belle sorcière, oh ! dis, si tu le sais, 
A cet esprit comblé d'angoisse
Et pareil au mourant qu'écrasent les blessés,
Que le sabot du cheval froisse,
Dis-le, belle sorcière, oh ! dis, si tu le sais,

A cet agonisant que le loup déjà flaire 
Et que surveille le corbeau,
A ce soldat brisé ! s'il faut qu'il désespère
D'avoir sa croix et son tombeau ;
Ce pauvre agonisant que déjà le loup flaire !

Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?
Peut-on déchirer des ténèbres
Plus denses que la poix, sans matin et sans soir,
Sans astres, sans éclairs funèbres ?
Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?

[…]”