aimais bien écouter Tony, le seul fou dont la folie relevait de la poésie. Et il passa son bras droit autour de mon cou avec un sourire idiot. Je m’en fichais, j’écoutai Tony :
« Nous sommes les nouvelles chimères,
Nos souvenirs se sont apaisés.
Nous glissons sur la barque d’éther,
Vers l’inconsciente immortalité. »
Que les mots aient un sens ou pas, c’était la dernière chose qui me préoccupait. Je me laissais bercer par le rythme et les sonorités régulières. Je me laissais couler dans les intonations douces et profondes, m’accrochais aux syllabes délicates quand je commençais à perdre pied. Je faisais de l’apnée quand il reprenait son souffle. Et un vertige plein de soulagement me prenait quand il prononçait un nouveau vers. Tony : un orateur né, et il était devenu fou parce qu’il avait cru à son propre discours.