La durée de la vie de l’homme? Un point. Sa substance ? Un flux. Ses sensations? De la nuit. Tout
son corps? Un agrégat putrescent. Son âme? Un tourbillon. Sa destinée? Une énigme insoluble. La
gloire? Une indétermination. En un mot, tout le corps n’est qu’un fleuve ; toute l’âme, un songe et une fumée ; la vie, un combat, une halte en pays étranger ; la renommée posthume, c’est l’oubli. Qui donc peut nous guider? Une seule et unique chose, la philosophie. Or, la philosophie consiste à garder le démon intérieur pur d’insolence et de méchanceté, plus fort que les plaisirs et les peines, exempt de
témérité, de mensonge et d’hypocrisie, indifférent à ce que font ou ne font pas les autres; puis, soumis
aux cas fortuits et à son propre sort, car cela vient de la même source que lui ; et surtout préparé et
doux envers la mort, car elle n’est pas autre chose que la séparation des éléments dont chaque être
animé se compose. Mais, si les éléments eux-mêmes ne souffrent pas de leurs incessantes et mutuelles métamorphoses, pourquoi redouter le changement et la dissolution universelle ? C'est conforme à la nature, et rien n’est mal de ce qui est selon la nature.